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Historique

 

FCI

8e groupe

Chiens rapporteurs de gibier – Chiens leveurs de gibier – Chiens d’eau

Section 1 : Rapporteurs de gibier

1. Canada Nova Scotia Duck Tolling Retriever – Retriever de la Nouvelle-Ecosse.

2. Grande-Bretagne Curly Coat Retriever – Retriever à poil bouclé.

Flat Coat Retriever – Retriever à poil plat.

Labrador Retriever – Retriever du Labrador.

Golden Retriever – Retriever Golden.

3. U.S.A. Chesapeake Bay Retriever – Retriever de la Baie de Chesapeake.

 

Section 3 : Chiens d’eau

1. Espagne Perro de agua español – Chien d’eau espagnol.

2. France Barbet.

3. Irlande Irish Water Spaniel – Chien d’eau irlandais.

4. Pays-Bas Wetterhoun – Chien d’eau frison.

5. Portugal Cão de agua português – Chien d’eau portugais.

6. U.S.A. American Water Spaniel – Chien d’eau américain.

7. Italie Lagotto romagnolo – Chien d’eau romagnol.

 

Depuis le premier janvier 1990, les chiens d’eau sont regroupés au sein d’un même groupe.

Auparavant la famille était séparée, le portugais était dans le 2e groupe considéré comme chien d’utilité, le barbet et le frison étaient dans le 7e groupe considérés comme chiens d’arrêt et l’irlandais et l’américain étaient dans le groupe des chiens leveurs de gibier assimilés aux spaniels.

En 1983, la SCC envisagea une réforme de la nomenclature officielle et confia cette tâche à Raymond Triquet. Raymond Triquet s’attelle au projet et établit un projet d’une nouvelle nomenclature qu’il envoie à tous les clubs pour accord. Cette nouvelle nomenclature était effectivement bien transformée, les chiens courants jusque-là séparés entre deux groupes, la petite et la grande vénerie, étaient maintenant rassemblés et le teckel les avait rejoint. Certains terriers de compagnie quittaient le 9e groupe pour rejoindre les terriers de chasse. Les chiens d’arrêt jusque-là séparés entre britanniques et continentaux étaient également regroupés. Les chiens nordiques avaient enfin un groupe pour eux. Certains clubs intervinrent pour obtenir des modifications à ce projet, notamment le club du teckel qui obtint d’avoir encore un groupe pour lui tout seul.

J’étais à l’époque président du club du barbet et je reçu ce projet de nouvelle nomenclature. Il n’y avait rien de changé pour les chiens d’eau qui étaient toujours ignorés et séparés entre trois groupes. La famille chien d’eau n’était pas reconnue comme telle. J’envoyais une lettre à M. Triquet pour lui dire que le barbet n’était pas un chien d’arrêt et que nous aimerions quitter le groupe chiens d’arrêt et je lui dis également : que faîtes-vous du chien d’eau portugais qui est l’équivalent du barbet au Portugal ? M. Triquet a bien compris mon message et il mit en place une section chiens d’eau dans le 8e groupe. Et voilà, après plus d’un siècle de cynophilie officielle, les chiens d’eau étaient enfin reconnus comme une famille distincte. Je suis pour quelque chose dans cette reconnaissance et pour notre club c’était formidable.

Depuis, l’Espagne a reconnu son chien d’eau et l’Italie le sien, et où les aurait-on mis si la section chiens d’eau n’existait pas ?

Le caniche qui est une variété de barbet est resté dans le 9e groupe. Quant au Terre-Neuve, c’est un proche parent, un cousin germain, mais s’il est vrai qu’il a tout à fait l’esprit de la famille, il en a perdu la morphologie et il est logique qu’il soit dans le 2e groupe.

Il existe un chien d’eau qui n’est pas reconnu par la FCI, c’est le chien d’eau australien qui est appelé labradoodle. (en français, il faudrait traduire par canibrador)

Le labradoodle n’est pas une race traditionnelle, il a été fabriqué de toute pièce il y a une trentaine d’années en croisant un labrador avec un caniche d’où le nom de labradoodle, le caniche étant appelé poodle en anglais. Le plus fort, c’est que le labradoodle a été reconnu officiellement par la société canine australienne. Le standard reconnaît trois tailles, grand, moyen et miniature et deux types de poil, frisé et ondulé. L’ensemble du cheptel est très disparate, certains sujets ressemblent à des caniches, d’autres à des griffons ou des bâtards d’on ne sait quoi. Après le mélange initial, les Australiens ont rajouté de l’irish water spaniel, du retriever à poil frisé, du cocker anglais et du cocker américain.

On se demande ce que les Australiens vont pouvoir inventer maintenant ? Pourquoi pas le pointeroodle ou le bobtailoodle, tout est envisageable !

 

LE BARBET ANCESTRAL

 

Le barbet fait partie des races très anciennes comme le dogue, l’épagneul, le chien courant. En fait c’est un terme générique pour désigner ce type de chiens, comme dogue, braque ou basset.

Aujourd’hui, c’est la variété française de la race qui porte ce nom, des quatre variétés actuelles de barbets, c’est celle qui a la plus haute taille.

Dans l’Antiquité, le type barbet n’existait pas. On trouvait alors comme types, le dogue, le mâtin, le lévrier à oreilles droites, le lévrier à oreilles tombantes, le chien courant, le chien de compagnie et le type lupoïde. Après l’Antiquité, nous avons un trou noir de sept siècles. Entre Isidore de Séville et Brunez Latin il n’y a aucun texte sur le chien. Pendant ces sept siècles de nouvelles familles canines vont se former on ne sait trop comment, mais à la fin du Moyen Age, nous avons des chiens d’arrêt, épagneuls et braques, des chiens de terrier, des bassets et des barbets. Les chiens de berger arriveront plus tard et les retrievers encore plus tard.

On peut parfois lire des historiques farfelus faisant allusion à Xénophon, mais ceux qui écrivent ces historiques n’ont jamais lu Xénophon, car bien entendu il n’est jamais question de chiens d’eau dans aucune des cinq cynégétiques antiques. D’autres poussent même le bouchon encore plus loin en parlant de la route de la soie, de la Mésopotamie et de je ne sais quoi encore, mais ce sont là des élucubrations. On se demande bien comment un chien d’eau pourrait voir le jour dans une zone désertique ?

J’ai souvent lu que le barbet serait arrivé avec les envahisseurs musulmans en 711. J’ai cru à cette théorie il y a 40 ans, parce que c’était écrit, mais il y a longtemps que je n’y crois plus du tout. D’une part, les armées musulmanes ne trimbalaient pas derrière elles des meutes, les conquérants de la djihad n’aimaient pas les chiens, d’autre part il n’y a aucun chien de ce type dans les pays arabes. Cette théorie de l’arrivée avec les Maures est très tardive, les naturalistes du 16e siècle qui nous parlent du barbet, n’en parlent pas. Buffon en 1750, n’en parle pas non plus, les cynophiles du 19e n’en parlent pas également jusqu’à la fin du 19e siècle, où un Autrichien le Dr Fitzinger lance cette théorie de l’origine africaine du caniche et on se demande bien ce qui a pu mettre une telle théorie dans la tête du Dr Fitzinger. Les cynophiles français n’ont pas suivi Fitzinger et Mégnin, père et fils ne font pas venir le barbet de l’Afrique. En fait, il faut attendre 1958 et le livre de la présidente du Club du Caniche, Mme Jeancourt-Galignani pour retrouver la théorie du Dr Fitzinger. Mme Jeancourt-Galignani précise que ce serait les armées musulmanes qui auraient introduit le barbet en Europe. (Elle ne dit pas barbet mais caniche car elle confond les deux races). Donc la théorie de l’arrivée avec les Maures ne date que de cinquante ans en France, mais comme le livre de Mme Jeancourt-Galignani a remporté un certain succès dans le milieu cynophile, tous ceux qui ont écrit un article sur le caniche ou le barbet depuis cette date ont reprit bêtement la théorie. Le barbet est en fait originaire d’Europe, peut-être d’Espagne mais nous ne savons pas. Il s’agit probablement d’une mutation qui a été entretenue et améliorée. Comme tous les types canins présents à la fin du Moyen Age, le type barbet s’est répandu dans toute l’Europe. On voit un barbet sur un tableau de l’école flamande en compagnie de Rembrandt, en 1621 Gervase Markham nous dit qu’il est très commun en Angleterre et plus tard Hegewald nous parle du polnish wasser hund. Partout il est appelé chien d’eau sauf en France et en Italie où il est appelé barbet et barbone. Il est intéressant de noter qu’en Italie le caniche est toujours appelé barbone, les Italiens ont conservé la vieille appellation du 19e siècle pour le caniche. En Espagne et au Portugal on utilise également quelquefois le mot barbetta. Lorsque la FCI a fait traduire les différentes races en français, on a traduit cao de agua portuguès littéralement mot à mot par chien d’eau, et depuis, le pli a été pris et tous les barbets sont appelés chien d’eau.

Le barbet était donc très apprécié par nos ancêtres pour la chasse à la sauvagine, sa spécialité étant d’aller à l’eau par tous les temps et par plaisir. Le barbet est particulièrement intelligent et sociable aussi dès la Renaissance certains sujets ont été utilisés comme chien de compagnie. Nous avons un texte dans lequel on se plaint que Corisande, qui était une des maîtresses de Henri IV, se rendait à la messe en compagnie d’un fou, d’un singe et d’un barbet. Ce qui nous prouve que déjà le barbet était également chien de compagnie.

Jusqu’à Louis XV, le barbet était présent au chenil royal, et nous avons plusieurs tableaux le représentant à la chasse au canard ou au cygne. Il était alors toujours toiletté en tonte de chasse, la tonte traditionnelle française qui lui facilitait son activité de chasseur. Dans les autres pays également, le barbet était toiletté, généralement en lion. Le toilettage canin a été inventé pour le barbet. Le toilettage est indispensable sur ce type de poil et c’est un toilettage utilitaire. Pour aller en bonne condition à la chasse, un barbet doit absolument être toiletté, soit en lion, soit en tonte de chasse. Le toilettage moderne est fait pour les barbets de compagnie.

La révolution française a été un grand chambardement pour les hommes comme pour les races canines. Certaines races inféodées à l’aristocratie ont disparues dans la tourmente. Le barbet a quitté les meutes royales et a été adopté par les militaires de la Grande Armée. Jusque-là, les chiens de chasse étaient réservés exclusivement aux nobles, mais après la révolution, les paysans et les bourgeois vont pouvoir avoir des chiens autres que des chiens de garde et de berger, et le barbet va donc se répandre à la campagne. Il va se mélanger avec des chiens de berger et les bergers à poil long de type briard vont apparaître au 19e siècle. Les paysans chasseurs vont également croiser le barbet avec des chiens d’arrêt, et le type griffon-barbet va apparaître dans la première moitié du 19e siècle. Un siècle avant, les chasseurs anglais auront une sélection différente et le barbet deviendra water-spaniel dans ce pays.

La carrière du barbet va donc se diversifier, mais c’est à l’armée qu’il obtiendra ses lettres de noblesse. Les régiments avaient une mascotte jusqu’au second Empire et cette mascotte était généralement un barbet. Mais le 19e siècle va voir la race changer. Déjà dès la deuxième moitié du 18e siècle, on commence à lui donner un autre nom et à l’appeler chien-canard, de chien-canard il deviendra chien-cane puis caniche. En même temps qu’il change de nom, il change de look et on commence à le toiletter en lion, la tonte traditionnelle de chasse est abandonnée. On commence également à lui couper la queue et on cherche des chiens le plus unicolores possible. Dès les années 1860, on commence à lui faire des toilettes fantaisie et il est devenu un chien de dames. Après l’Empire, il devient également le compagnon des aveugles et des saltimbanques, c’est le chien de cirque par excellence. Parallèlement à ce barbet-caniche que l’on trouve plutôt dans les villes, le barbet campagnard est devenu griffon-barbet et continue à chasser. Dans les années 1880, on fait nettement la différence entre les deux types et le barbet des villes est de moins en moins appelé barbet pour être appelé caniche. En 1900, le caniche est presque toujours unicolore, on trouve encore quelques sujets avec panachure, mais ils seront éliminés dès le début du 20e siècle et on oublie que le caniche n’est qu’un barbet moderne, allégé, unicolorisé, avec la queue coupée et une toilette en lion. Le barbet traditionnel n’existe plus.

Dans les campagnes, le griffon-barbet est là, pas très répandu. On préfère les vrais chiens d’arrêt qui peuvent également aller à l’eau, plutôt que d’avoir un chien qui va bien à l’eau, mais qui arrête mal. Les gens riches préfèrent acheter des chiens anglais, pointers ou setters qui sont très à la mode. Dans les provinces on préfère les races locales de chien d’arrêt et le griffon-barbet est quasiment inexistant. De plus les paysans ne connaissent pas le toilettage et sans toilettage, ce chien pose un gros problème de propreté et d’entretien. Il est évident que le poil du barbet est également à l’origine de sa disparition, c’est un poil qui demande un certain entretien et les chasseurs ne veulent pas s’embêter avec ce type de poil. Dans les siècles précédents, il était toujours toiletté pour chasser en hiver, et complètement tondu en été, mais le toilettage a été oublié et sans toilettage, le poil pose problème. Il faut dire que dans les siècles précédents, les nobles qui avaient des barbets avaient également beaucoup de serviteurs et des préposés à l’entretien des chiens qui étaient payés pour ça, alors que le paysan du 19e siècle doit tout faire lui-même, et ne soupçonne même pas l’existence du toilettage ancestral. Le problème est que souvent, on appellera ce griffon-barbet tout simplement barbet ce qui entraînera une confusion chez certaines personnes. De Coninck l’appellera barbet d’arrêt et établira un standard en même temps que pour les autres races de chien d’arrêt. Il est vrai qu’à la campagne, dès qu’un bâtard a trois poils devant les yeux on l’appelle barbet, mais en réalité il n’y a pas d’éleveurs de griffon-barbets et le 20e siècle démarre avec un griffon-barbet disparu de même que le barbet chien d’eau. Malher fera un très beau dessin d’un couple de griffon-barbets pour la manufacture de Saint-Etienne, mais je soupçonne qu’il a dessiné ces chiens avec son imagination sans en avoir jamais vu.

En 1900, il n’y a plus ni barbet, ni griffon-barbet, les deux races sont éteintes.

 

LE BARBET AU 20e SIECLE

 

En 1927, M. Le Houelleur est en poste dans le Nord et il voit quelqu’un passer avec un chien qui tire une petite charrette. Il est intrigué et apprend que le chien en question est un barbet d’après son propriétaire. Il achète le chien et commence à s’intéresser à la race. Il recherche des chiens dans la campagne et entreprend un élevage. Tous ces chiens sont inscrits au LOF à titre initial, (il n’y avait pas de confirmation à l’époque), il s’agit évidemment de bâtards avec un certain type et pas de vrais griffon-barbets sélectionnés. M. Le Houelleur est chasseur et il veut refaire un barbet chasseur. Il quitte le Nord pour retourner dans sa terre d’origine à Floirac et il prendra pour affixe de Floirac. C’était un haut fonctionnaire qui avait certains moyens. Il est intéressé par les field trials et il utilisera un setter anglais pour son élevage de barbets, désirant des barbets qui marquent l’arrêt. Normalement, ces chiens auraient dû être appelés griffon-barbets, mais on les appelle barbets ce qui est une erreur, le vrai barbet est lui devenu caniche. M. Le Houelleur fait quelques émules et deux ou trois personnes s’intéressent avec lui à la race dans les années 1930, dont le docteur Vincenti de Tarascon. Survient la guerre et tout est anéanti. Le barbet est à nouveau complètement absent.

 

LE BARBET MODERNE

 

Il faudra attendre les années 1970 pour que des barbets soient à nouveau inscrits au LOF. Ce sont des inscriptions à titre initial et ces chiens n’ont rien à voir avec les barbets de M. Le Houelleur. En 1977, je vois une annonce dans une revue canine, barbets à vendre. Je suis très surpris car je pensais la race éteinte, je prends contact avec l’annonceur pour me renseigner. Il s’agit d’une dame qui a une portée à Tarascon et qui n’arrive pas à vendre les chiots. Je décide de faire un article pour l’aider à vendre ses chiots et faire connaître la race au grand public, car le barbet était totalement inconnu de tous à ce moment-là. Je pensais qu’elle était la dernière à posséder des barbets et qu’il fallait faire quelque chose avant que la race ne disparaisse définitivement. J’avais un ami qui descendait dans le Midi pour les vacances et je lui demande de passer chez cette dame prendre des photos de ces chiens. Dans le même temps, elle m’indique qu’elle a vendu un barbet en région parisienne et me donne l’adresse de son acheteur. Je vais donc voir ce barbet parisien et j’ai une énorme déception, je comprends tout de suite qu’il s’agit d’un bâtard qui ne ressemble à rien et je suis très surpris. Mon ami revient de vacances avec les photos. Là aussi déception, il y a beaucoup de chiens parce qu’elle n’arrivait pas à vendre les chiots et que ces chiots lui restaient sur les bras. Les chiens vivent n’importe comment dans un fouillis indescriptible avec des vieux pneus et ces chiens ne ressemblent pas à grand chose, en tout cas pas à l’image que je me fais du barbet. Mon article paraît et provoque une demande de chiots importante. Je suis obligé de diriger les demandeurs vers cette dame avec une petite réticence. Mon article m’envoie également des lecteurs qui me disent avoir un barbet. Je vais voir ces barbets en région parisienne et en province et je tombe sur des chiens qui ne ressemblent absolument à rien, sauf le chien d’une jeune fille parisienne qui me plaît. Il n’est pas parfait, mais c’est un joli chien marron avec une excellente morphologie, un excellent caractère et qui adore l’eau. Aujourd’hui, ce chien ne serait plus confirmé, mais à l’époque on n’avait pas encore commencé à sélectionner et ce chien avait des qualités intéressantes. Il était un peu juste en taille et le poil n’était pas assez frisé. Ce chien s’appelait Prince. Je me dis donc que l’on peut essayer de faire quelque chose avec ce chien. Je lance des appels dans le « chasseur français » et d’autres revues et j’ai une avalanche de proposition de chiens. On me présente beaucoup de chiens, à l’époque un article rapportait beaucoup de contacts ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. J’ai examiné la photo ou j’ai vu concrètement beaucoup de chiens. Tous des bâtards sans intérêt, mais je garde quand même deux chiennes avec une certaine réticence. Effectivement, ces chiennes feront toutes deux une portée catastrophique.

Curieusement, je suis descendu au Portugal en octobre 88, et chez une éleveuse de chiens d’eau, j’ai vu deux chiens qui étaient absolument les sosies de Prince, même taille, même corpulence, même poil.

La jeune fille qui avait le mâle qui me plaisait trouve dans une SPA une chienne qui semble intéressante. Cette chienne qui s’appelle Séry Noire a une excellente morphologie et une excellente qualité de poils. Elle fera une portée avec Prince en 83 et c’est de cette portée que viendront tous les barbets actuels de qualité. Dans cette portée de 12 chiots, seules deux femelles sont conservées pour la reproduction les autres étant jugées mauvaises. La meilleure était Ulyssia achetée par moi-même et qui servit de modèle pour la modification du standard en 85. J’avais amenée Ulyssia à la Société Centrale Canine devant la commission zootechnique afin d’expliquer les modifications apportées au standard et on a commenté ces modifications en examinant la chienne.

Dans le même temps, l’éleveuse du Midi continue à faire des portées, autrefois les chiots lui restaient sur les bras, maintenant, elle n’arrive plus à fournir tant la demande est importante grâce à mes articles.

Je comprends que l’avenir du barbet, c’est ce que nous faisons avec Mlle Bisconte, mais il va falloir trouver des mâles ailleurs. La seule solution est de trouver un mâle caniche avec certaines caractéristiques, pas un champion d’expo, mais au contraire un caniche hors type, trop lourd, avec de l’os, un bon caractère, une bonne taille et une bonne qualité de poil, un oiseau rare difficile à trouver. A force de chercher, je trouve deux caniches qui correspondent à ce que je cherche et on commence une sélection. De fil en aiguille, on arrive aux chiens actuels qui ont une bonne taille, un bon poil, une bonne morphologie, un bon caractère. C’est le résultat de plus de 25 ans de travail avec de nombreuses péripéties et difficultés qu’il serait trop long de raconter ici.

HISTOIRE DES CHIENS D’EAU ET DES RETRIEVERS

 

Il est difficile de savoir d’où viennent les chiens d’eau. C’est probablement une mutation à partir d’un épagneul. Mais comment cette mutation a-t-elle été provoquée ? Mystère. Quelles autres races auraient pu intervenir dans cette évolution ? Toujours mystère. Toujours est-il que les premiers barbets sont apparus à la toute fin du Moyen Âge et qu’il n’y en avait pas avant. Sur les miniatures du livre de Phébus, (1387), on peut voir une chienne allaitant ses petits et cette chienne a les membres tondus. Mais Phébus ne dit pas un mot sur le barbet. Par contre à partir de la Renaissance, on trouve le barbet dans beaucoup de textes et la race était devenue commune. Il y avait probablement une certaine hétérogénéité sur la taille et la taille devait être plus ou moins variable tout en étant quand même relativement importante, le barbet de vraiment petite taille arrivera plus tard et sera issu d’une fabrication volontaire. Ce barbet donc, se rencontrait dans toute l’Europe de l’Ouest et était répandu partout, comme toutes les races de base. Partout il était utilisé pour la chasse au gibier d’eau et partout il était tondu, entièrement à la belle saison et en lion ou en tonte de chasse l’hiver.

Au 18e siècle, les Anglais qui étaient en avance pour la sélection des espèces domestiques par rapport aux peuples continentaux, ont réussi à fabriquer un nouveau modèle, l’english water spaniel. Un chien magnifique superbement peint par Stubbs. C’est d’ailleurs grâce à l’iconographie que nous avons d’importants renseignements sur les races anciennes. Ce premier épagneul d’eau avait le poil frisé du barbet, mais le poil était réparti sur le modèle épagneul. C’est vraiment le juste milieu, entre le barbet et l’épagneul. Curieusement, les Anglais qui sont pourtant très attachés aux races canines ont laissé disparaître cet english water spaniel, le premier du genre.

Un siècle plus tard on fabriquera l’irish water spaniel dans la même optique.

En France au 19e siècle, on transformera le barbet des campagnes en griffon-barbet, un chien utilitaire, beaucoup moins élégant que les water spaniels britanniques. Mais ce griffon-barbet ne prendra jamais beaucoup d’importance, ne pouvant rivaliser avec les chiens d’arrêt, de plus le poil du barbet rebute les chasseurs, qui ne veulent pas d’un chien avec un poil qui demande tant d’entretien. Sous l’ancien régime, les nobles avaient une multitude de domestiques, et c’était les domestiques qui étaient chargés de toiletter et d’entretenir le poil des barbets. Les chasseurs ne subissaient donc aucune contrainte, on s’occupait de cela pour eux, mais les paysans du 19e siècle devaient s’occuper eux-mêmes de leurs chiens et ça change tout. Le barbet a absolument besoin d’un toilettage pour être propre et apte à la chasse, et les paysans du 19e siècle ignoraient comment toiletter, et n’avaient pas les moyens matériels d’effectuer ce toilettage et cela aussi a été la cause de l’abandon de la race.

Dans la deuxième moitié du 19e siècle, les Américains de la région des Grands Lacs et les Frisons formeront eux aussi leur épagneul d’eau.

Dans la deuxième moitié du 18e siècle, à Terre-Neuve, on croisera un barbet avec une mâtine et on obtiendra une nouvelle race, tenant le juste milieu entre les deux ancêtres. On commencera à en parler dès les années 1790 et il viendra très vite en Angleterre. On ne sait pas qui a fabriqué le Terre-Neuve, mais ce chien n’est pas arrivé par hasard. Un habitant de l’île, un Anglais ou un Français, on ne sait pas, devait avoir un gros mâtin blanc (aujourd’hui on dit chien de montagne, mais à l’époque on disait mâtin) et cet homme s’est dit, ce serait bien si mon mâtin pouvait aller à l’eau comme un barbet. Les Français disaient barbet, mais les Anglais disaient water dog pour le même chien. Si j’essayais un mariage entre les deux races, ce pourrait être intéressant. Le mariage fut fait et on obtint un gros chien blanc et noir à poil frisotté. Ces chiens ont été appréciés et on décida d’en faire race. Ils étaient forts et ils allaient à l’eau, c’est exactement ce que l’on voulait. Le Terre-Neuve a la morphologie de son ancêtre mâtin, sans aucun doute celui que l’on appelle maintenant chien de montagne des Pyrénées et il a le tempérament de son ancêtre barbet. Les Anglais sont très forts pour obtenir ce genre de compromis. Dans le courant du 19e siècle, le Terre-Neuve évoluera. A l’origine il était plutôt de robe blanche ou blanche et noire et à la fin du siècle le noir aura pris le dessus. La morphologie évoluera également, toujours grâce à l’iconographie, nous connaissons l’allure de certains Terre-Neuve du 19e siècle qui ressemblaient à de très gros épagneuls et qui servaient à la chasse en Angleterre. Le Terre-Neuve a tout de suite bénéficié d’une mode en Angleterre dès les années 1800.

A partir des années 1840, les Anglais, toujours eux, commencèrent à croiser le Terre-Neuve avec le barbet, le water-spaniel, le setter, le pointer et le terrier, un petit melting pot qui durera quelques décennies. Tout cela dans le but d’avoir des chiens spécialement utilisés pour le rapport. Le pointer et le setter avaient atteint leur titre de noblesse et le rapport était jugé indigne de leur talent. Il fallait des subalternes pour faire le sale boulot. Le pointer et le setter prennent les émanations et arrêtent et on ne leur demande pas plus. Pour rapporter, il faut un chien qui n’ait pas peur de pénétrer partout, qui n’ait pas peur de se mouiller, qui ait du nez et qui soit obéissant. Au début du retriever, le sang Terre-Neuve était dominant, par la suite il évoluera vers un type moins imposant avec différents types de poils.

Sous Louis XV, on commence à appeler le barbet chien-canard, puis caniche pour la femelle. On commence également à lui couper le fouet. Tout au long du 19e siècle, le barbet évoluera vers un nouveau type, on le toilettera en lion, la tonte de chasse traditionnelle est oubliée, on sélectionnera pour obtenir une robe unicolore et il ne chasse quasiment plus. Il devient le chien typique de l’aveugle, du saltimbanque et des militaires. On l’appelle toujours barbet mais de plus en plus souvent caniche. En 1900, il a définitivement changé de nom et de look et le barbet ancestral n’existe plus.

Arrive le 20e siècle et les chiens d’eau sont oubliés. La chasse au gibier d’eau a beaucoup régressé et on préfère prendre des chiens polyvalents capables de chasser également en plaine et au bois. Les chiens d’arrêt s’imposent. On peut dire qu’en 1900, le chien d’eau est quasiment disparu de partout.

Très souvent, c’est grâce à un seul homme que la race peut rebondir ou renaître. C’est grâce à M. Mac Carthy que l’épagneul d’eau irlandais a pu s’imposer à la fin du 19e siècle. Dans les années 1900, c’est au docteur Pfiefer, habitant de New London dans le Wisconsin, que nous devons la reconnaissance et le sauvetage du modèle américain. Grâce à lui, la race est reconnue par le United Kennel Club en 1920 et on lui donne le nom officiel de american water spaniel. Jusque-là, la race n’avait pas de nom, c’était juste un chien que l’on trouvait dans la région des Grands Lacs chez les chasseurs et dont personne ne s’occupait. Il ne sera reconnu par l’AKC, la grande fédération américaine qu’en 1940.

C’est dans les années 1930 qu’au Portugal, M. Vasco Bensaude, un amateur, s’intéressa de près au chien d’eau et réussit à redonner vie à la variété portugaise pour ainsi dire disparue.

C’est après la deuxième guerre mondiale que les Néerlandais relancèrent le frison, lui aussi presque disparu. C’est en 1977, que je commençais à m’intéresser de près au barbet, lui aussi éteint et ce n’est que dans les années 80 que le travail de reconstitution a vraiment eu lieu. Dans ces mêmes années 80, c’est grâce à Antonio Garcia Pérez, éleveur andalou, que les Espagnols ressuscitèrent leur chien d’eau qui avait été oublié et enterré. Les Italiens arriveront encore plus tard, et le Romagnol a été le dernier à renaître de ses cendres.

Tous les chiens d’eau ont frisé l’extinction définitive, mis à part l’irlandais qui a toujours existé en Angleterre, et l’anglais a même définitivement disparu. C’est une famille de rescapés, une famille qui n’a pas eu de chance, une famille qui mérite toute notre attention et qui mérite de se faire une place au soleil dans la grande famille canine. De nos jours, le barbet et le frison sont toujours confidentiels.

 

Décembre 1996. Revue Sans laisse. Le chien-truffier romagnol.

Jean-Claude Hermans.

 

Ce n'est pas tous les jours que la FCI reconnaît une nouvelle race la rendant ainsi « officielle » et c'est un événement. Il y a un an, le Romagnol est entré dans la grande famille des races canines répertoriées à la nomenclature officielle.

D'aucuns diront, une race de plus, quelle importance, il y en a déjà 400 et cela suffit.

Et bien cette race a quelque chose de spécifique et d'exceptionnel, c'est la seule race au monde de chien-truffier, sélectionné pour cette activité depuis 150 ans.

La recherche de la truffe à l'aide d'un chien ne date pas d'hier, traditionnellement c'est un chien de type barbet qui était utilisé et cela dans toute l'Europe. La lecture de textes anciens nous en apporte les preuves. Dans le livre « Représentation des animaux » de Martin Elias et Johann Jacob Ridinger, livre allemand édité en 1775 à Augsbourg, on peut lire : « Ces deux petits barbets que voilà, sont dessinés d'après nature. En quelques lieux ils ont le poil fort fin et luisant, on les dresse souvent pour les plaisirs de leurs maîtres ou on les accoutume à la recherche des truffes ». Un siècle plus tard en Angleterre dans « The illustrated book of dogs » de Vero Shaw édité en 1881.

The truffle dog. Le chien truffier.

« Le chien-truffier n'est rien de plus ou de moins qu'un mauvais caniche de petite taille, et n'est jamais, ou très rarement rencontré sous la désignation de chien-truffier. On doit son élevage à l'existence des truffes, car il est utilisé pour les découvrir quand elles sont dans le sol, à l'aide de son nez affûté. En fait, tout crédit obtenu par le chien-truffier est certainement dû à ses meilleures qualités de race par rapport au caniche, alors que la principale distinction entre les deux réside dans le gabarit, le chien-truffier étant plus haut sur pattes, aussi davantage de remarques sur les caractéristiques du chien-truffier seraient superflues. »

Quinze ans plus tard dans « British dogs » de Hugh Dalziel édité en 1896.

The truffle-dog. Le chien-truffier.

« Etant donné l'utilité de ce petit chien, et le fait qu'il soit en si petit nombre et si différents des autres variétés, il est surprenant que nous ne voyons jamais de spécimens dans les classes de nos expositions, car bien que les chercheurs de truffes n'appartiennent pas à la catégorie des exposants, ceux qui s'intéressent aux expositions pourraient s'attendre à ce que l'on montre au public ce que le chien très utile et intelligent est en chair et en os. Il apparaît que ce chien a essentiellement un apport de sang de caniche avec une pointe de terrier quelconque. Leur travail consiste à trouver où les truffes sont enterrées, ce qui demande un nez très fin, beaucoup de persévérance et une intelligence considérable. Ils sont entraînés à ce travail, étant soigneusement écartés de la chasse, et grâce à leur intelligence qui vient de leur appartenance à plusieurs familles. Leur poids est d'environ 14 ou 15 livres et ils paraissent plus agiles que le vrai caniche.

La couleur est généralement le blanc, le noir et blanc ou le gris. Comme ils n'entrent pas dans la catégorie des chiens d'expositions, aucune échelle de points n'a été établie pour la race, leurs propriétaires étant seulement préoccupés à développer leurs qualités de travail pour les assister dans leur recherche sans se soucier des apparences extérieures. »

Le chien-truffier anglais a disparu, le barbet a cessé d'être utilisé au cavage en Allemagne et en France, mais en Italie, les chercheurs de truffes de la Romagne ont maintenu en vie leur race régionale qu'ils appellent Lagotto Romagnolo.

Le Romagnol est de la même famille que le barbet et ressemble beaucoup à la description du chien-truffier anglais.

Il devrait tenter les amateurs français désireux de pratiquer le cavage. De par sa petite taille, il n'est pas encombrant son poil frisé et rêche le protège efficacement des intempéries et c'est également un agréable compagnon, toujours de couleur blanc ou marron ou un mélange de ces deux couleurs, jamais le noir.

Bienvenue au Romagnol dans la cynophilie officielle.